eLE JOUR "J"
Il y a trois jours de cela j’ai failli être opérée de ce vilain cancer, aussi après cet intermède à É., malgré tout assez stressant, je dois dire que je suis quand même un peu K.O. Je suis heureuse que N. mon fils ait pris les choses en main pour ce dimanche ou nous serons réunis pour fêter l’anniversaire de mon époux, car je n’en aurai pas eu la force.
Tout se passe le mieux du monde, Ch. est heureux de m’avoir récupérée et son anniversaire a été fêté dignement. Demain, les réjouissances sont terminées, je dois reprendre contact avec le docteur R. pour refixer un rendez-vous…, et cette fois le vrai. Au fil, il est satisfait que je n’ai point eu de stent qui aurait obligé à retarder l’opération encore une fois de plusieurs semaines. Ouf !
Il me donne donc nouveau rendez-vous pour que nous puissions à nouveau envisager le jour « J » et faire en sorte que, cette fois tout se passe au mieux. Ce jour sera donc le 3 février, un mardi. Je devrai être à l’hôpital, le matin même de l’intervention, à sept heures pile afin qu’ait lieu ma préparation. Mais auparavant, la veille même de l’opération, je dois encore subir un nouvel examen et ce à St. G. en. L., à l’hôpital général service Scintigraphie. Cet examen n’a rien de douloureux car c’est une sorte de radiographie améliorée mais ce qui me semble le plus gênant c’est ce produit que l’on doit m’injecter dans le sein pour qu’il se répande correctement afin que les images puissent révéler les ganglions axillaires qui seront à retirer. L’examen dure toute la demi-journée. Dans un premier temps l’injection par un médecin spécialisé du produit nucléaire devant servir à la scintigraphie. Trois heures à attendre entre l’injection et l’examen lui-même… Nous avons le temps d’aller déjeuner en ville, ce que nous faisons et passons même un excellent moment devant une tartine grillée sur laquelle se trouvent divers ingrédients tous appétissants. Nous sommes bien tombés. Le resto est sympa et me fait quelque peu oublier que je dois retourner dans cet hôpital pour les suites de l’examen.
Enfin nous y arrivons. Je n’attendrais que peu dans la salle d’attente, on vient me quérir, c’est le moment de vérité. Verra-t-on mes petites glandes malades ou non ou mon chirurgien devra t’il s’en passer ?
La scintigraphie qui dure une petite heure révèle, enfin, au moins trois ganglions bien visibles et que le chirurgien pourra retrouver facilement grâce à cette scintigraphie en mon intérieur. C’est beau le progrès ! Enfin, je suis parée pour l’opération. Je me couche assez sereine mais je ne suis pas certaine que Ch. le soit autant…
Le jour dit, lever aux aurores, nous filons Ch. et moi à l’hôpital. Dans les rues, il fait encore nuit, pas un chat, nous y arrivons en à peine dix minutes. L’hôpital est désert en ce petit matin, seul, un homme déambule dans le hall, un autre fume dehors une cigarette. Ils n’ont pas l’air bien malade, mais qui sait ! Aucune secrétaire, aucune hôtesse ni au rez-de-chaussée, ni au deuxième étage où m’a été fixé le rendez-vous en service Chirurgie « A ». Nous déambulons à notre tour dans le couloir désert. Tout dort encore… J’ai l’impression d’entrer dans un film d’épouvante m’attendant à voir sortir un de ces médecins fous avec, à la main, un bistouri pour nous impressionner… Mais, rien de tout cela ; nous arrivons bientôt devant le secrétariat où nous découvrons un certain nombre de personnels occupés à refaire le monde ou plutôt à boire leur café du matin. Equipe de nuit ? Equipe de jour ? Sans doute un peu des deux qui se passent les informations de la nuit.
Une infirmière, frappant discrètement à la porte, me conduit juste en face. Nous pénétrons dans une chambre à deux lits dont l’un est occupé par une jeune femme ayant bien du mal à dormir avec le bruit, pourtant étouffé, que nous faisons. Qu’y pouvons-nous ? L’infirmière m’explique que, le lit près de la porte, donc le P, sera le mien, je m’en serai doutée étant donné que l’autre lit est occupé... Très bien, il a l’air confortable. Elle me somme de me déshabiller et d’aller prendre une douche en me fournissant une camisole ainsi qu’un savon aseptisant spécial ! J’ai déjà pris une douche à la maison mais qu’importe, il me faut obéir. Ce que je fais, tout en essayant de faire le moindre bruit possible mais difficile quand il n’y a qu’un mètre carré pour se remuer...
Ch. est reparti en m’ayant aidée, auparavant, à ranger mes affaires dans le petit placard qui m’est affecté au fond de la chambre. La jeune femme me demande « de la laisser dormir »…
Mais bien volontiers madame, qu’y puis-je que l’on m’ait mise dans « votre » chambre… Un énorme arceau est placé au-dessus de ses pieds et je me demande où suis-je tombée ? Suis-je en chirurgie orthopédique ou en chirurgie obstétricienne ? Nous verrons plus tard, pour l’heure j’exécute, ce que m’a demandé de faire la demoiselle en blanc, tout en essayant de faire le moindre bruit possible… Pas simple, la cloison de la salle de bains est tellement mince que la pauvre malade à côté doit se demander si je ne le fais pas exprès… ? Eh non m’dame, j’fais ce que je peux…
Nous verrons plus tard que nous sommes devenues les meilleures copines … Un paravent sépare nos deux lits et, petit à petit, l’heure avançant, elle aussi est prise en main par deux autres infirmières qui lui font ingurgiter un liquide peu ragoûtant ce qui, malheureusement, l’oblige à des nausées qui, pour ma part, me met également le cœur au bord des lèvres… Vais-je vomir moi aussi rien que de l’entendre ? Mais non je tiens le coup ! D’ailleurs ai-je le temps de m’appesantir sur son sort et le mien ?… Certes non, un infirmier vient m’avertir que l’on va venir me chercher sous peu pour me descendre en salle d’opérations et que donc je dois me tenir prête. Je brille comme un sou neuf, je suis entrée dans la camisole estampillée « Centre Hospitalier Intercommunal M. & Les M. » à petites fleurs bleues ; l’on m’a glissée sur le crâne une charlotte bleue également, - je dois être chouette - un petit bracelet plastique autour du poignet où toutes mes coordonnées sont présentes – on ne sait jamais des fois qu’on me perdrait – et dix minutes à peine se passent que voici venir mon chevalier servant qui s’empare de mon lit, moi dedans, et m’emmène manu-militari au travers du dédale des couloirs pour me descendre au sous-sol où se déroulent les réjouissances…
- Au revoir, à tout à l’heure, ai-je le temps de glisser à ma voisine qui me fait un petit coucou d’adieu
Ça y est, c’est parti, c’est à mon tour, c’est le jour « J », je vais passer entre les mains expertes du docteur R. qui va me retirer cette sale bête me rongeant le sein droit. Il fait un froid de gueux dans ce sous-sol, cela me rappelle E.
Je reste un petit moment devant une porte où m’a placée le brancardier qui a rigolé tout le long du parcours – on voit bien que ce n’est pas lui qui va passer sous le bistouri- puis enfin, il me conduit à nouveau dans une grande salle où là, je découvre plusieurs portes Bloc N°1 – Bloc N°2 et cetera, jusqu’au n°4 où il me fige à nouveau en me glissant dans un recoin en attendant mon tour. C’est comme à confesse me dis-je car, de plus, un rideau se trouve devant moi comme si j’étais dans le confessionnal, à l’église… Puis, quelques minutes se passent où j’entends tout un tas de bruits insolites et enfin deux grandes demoiselles se pointent devant mon lit en se présentant chacune leur tour. Dire que je me souviens de leur prénom serait mentir car je suis déjà à moitié dans le brouillard tellement je suis frigorifiée – est-ce cela la nouvelle prémédication, on vous fait geler pour mieux vous endormir ?
Elles m’expliquent qu’elles seront mes anesthésistes et qu’elles vont me poser un cathéter pour pouvoir m’endormir… Je veux bien moi. J’espère qu’elles n’auront pas de souci à trouver ma veine car c’est toujours le même poème. Et de fait, elle a plutôt du mal mais y parvient malgré tout et je salue sa grande dextérité… Quant à l’autre, elle farfouille à qui mieux mieux dans mon dossier médical et me pose en même temps tout un tas de questions… Est-ce que je lui en pose moi ? Bref, je réponds, magnanime, sachant bien que c’est pour mon bien mais, ô malheur, il manque dans mon dossier mon groupe sanguin. Ma carte est restée sur ma table de nuit, là-haut au deuxième étage. Qu’à cela ne tienne, elle y envoie aussitôt une infirmière la récupérer après que je lui ai expliqué l’endroit où elle se trouve… En attendant, toujours aussi réfrigérée, elles m’ont faite pénétrer dans la salle d’opération. Ça y est, il n’y a plus à reculer, mon sort est entre leurs mains et en surtout en celles du chirurgien.
- J’ai froid – finis-je par murmurer car je sens que je me glace petit à petit et j’en tremble comme une feuille bousculée par le vent.
- Ne vous inquiétez pas on va vous mettre la couverture chauffante…
De fait, celle-ci soudain s’actionne et je retrouve enfin une sensation de chaud ! Il était temps j’allais être transformée en iceberg…
Le chirurgien, qui vient d’entrer, se penche sur moi, me demande comment je vais….J’ai peine à le reconnaître car il est bardé des pieds à la tête de blanc, de bleu, d’un masque et d’une charlotte lui aussi. Il demande à ce que l’on me badigeonne, non pas avec de la Bétadine, dont je suis allergique mais une sorte de Daquin – ce qui est immédiatement fait – puis, il me fait des marques au crayon feutre sur le sein et me dit qu’il va commencer… Et attendez docteur, je suis consciente encore moi… Que font-elles mes deux anesthésistes eh... les filles au boulot ?
Enfin, elles me placent sur le visage un masque à oxygène tout en me disant qu’elles vont m’endormir… À peine ai-je le temps de m’en rendre compte et de répondre, que la terre bascule et que j’oublie tout ce qui n’est pas Morphée !
- J’ai mal… Hou, que j’ai mal…. J’ai mal… ne cesse de répéter une voix qui semble parvenir d’outre-tombe… Je ne sais pas qui se plaint ainsi mais, franchement, un peu de discrétion s’il vous plait !.... Et la voix répète encore : « j’ai mal, mal,…. Houlà là….
- Je vais vous faire une injection de morphine répond à la voix un monsieur tout noir penché sur moi – il est rigolo avec un bandeau sur le crâne et son langage a une résonnance créole nonchalante, décontractée, qui met en confiance…
Puis, je me rends compte, enfin, que c’est moi qui geins depuis tout à l’heure, alors que j’émerge tout doucement des vapeurs de l’anesthésie. Il est vrai que j’ai mal. Cela me brûle au niveau du sein mais, petit à petit, la douleur s’éloigne et je réussis même à reprendre à peu près vie. Pourtant l’infirmier semble inquiet… Qu’est-ce qui ne tourne pas rond ?
- Vous êtes super blanche madame. Vous vous sentez bien ? Ce n’est pas normal d’être aussi pâle – vous êtes diaphane et presque bleue !
Mais, c’est qu’il me ferait peur cet âne créole bâté ! Bleue moi ? Pâle oui, ça je le suis très souvent et je le lui avoue comme si c’était un crime ou une faute. Pardonnez-moi m’sieur, j’suis la pâleur incarnée…
Il trifouille dans des tuyaux suspendus au-dessus de ma tête et y introduit encore une injection de je ne sais quoi qui, peut-être, va me redonner des couleurs qui sait ! Il a l’air si inquiet…
- Quelle heure est-il, demande-je bêtement alors que je vois une pendule sur l’un des murs de la salle qui semble me narguer et marquer une certaine heure que je n’arrive pas à stabiliser ?
- Plus de midi madame…
- Déjà, mais cela fait combien de temps que je suis là ?
- Plus de trois heures madame… Mais l’opération s’est bien passée soyez rassurée. Le chirurgien a tout enlevé et vous a aussi retiré trois ganglions axillaires mais ils étaient sains… Donc pas trop de bobo…
- Ouf ! merci monsieur… Combien de temps vais-je rester ici en salle de réveil ?
- Encore une bonne petite demi-heure et après on vous remontera dans votre chambre.
J’ai l’impression d’avoir déjà entendu ça, il n’y a pas si longtemps que cela… Mais j’ai dû rêver… La demi-heure se passe – enfin je crois –, en fait ce sera une bonne heure, je me suis réchauffée depuis tout à l’heure car je sens que la couverture chauffante est encore sur moi qui suis complètement à poil là-dessous. Ah non, pas tout-à-fait, on m’a remise la camisole que l’on m’avait soustraite avant d’entrer en salle d’opération.
Enfin, un brancardier vient me rechercher ! Chouette, l’on va me remonter dans la chambre où Ch. doit faire les 400 pas en s’impatientant… et surtout en s’inquiétant… Enfin, après encore un dédale de couloirs, d’ascenseurs, à nouveau de couloirs, me voici à l’étage et qui vois-je m’attendant, déambulant dans ce dernier : Ch. qui semble soulagé de me voir enfin revenir… Il sourit ! J’essaye d’en faire tout autant malgré le mal qui recommence à me chatouiller.
Mon lit reprend sa place dans la chambre et moi dedans. Je me sens lasse et comme si je venais de prendre un camion sur la tête mais je n’ai plus aussi mal, c’est supportable. Je tâtonne mon sein et me rends compte que j’ai un énorme pansement dessus. Pas touche ! J’espère que la cicatrice n’est pas trop grande… Ch. me demande comment je vais … Pour le moment, je vais…
Il est déjà presque quatorze heures, depuis ce matin neuf heures que l’on m’a descendue au bloc, j’ai l’impression d’avoir occulté une grande partie de la journée… J’ai envie de m’assoupir et ne suis pas de la meilleure compagnie qui soit… Aussi, après être resté un petit moment à mes côtés, je le libère en lui disant que je vais dormir, qu’il peut donc partir s’il a des choses importantes à terminer et que lorsqu’il reviendra dans la fin d’après-midi, je serai en meilleure forme – enfin je l’espère. Il ne se fait pas prier… et m’annonce que N. passera aussi me voir ce soir. Super !
- À tout à l’heure…
Entre temps une assistante sociale vient me voir pour extirper de ma bouche quelques informations sur mon état d'esprit... Je sais que l'on vient de me retirer la petite boule qui dévorait mon sein mais je n'ai pas le moral à 10/10... ce serait plutôt 5/10 et encore... Je le lui confie en quelques mots car le sommeil me tenaille et voyant que je ne demande qu'à avoir un peu de repos elle repart comme elle était venue, sans un mot de plus!
À peine viens-je de m’assoupir...
Al. ma voisine m’ayant fait un compte-rendu circonstancié de sa matinée, quelqu'un frappe à la porte de la chambre et une dame, assez imposante, portant une croix énorme en bois autour du cou, pénètre dans la pièce… Ma dernière heure est-elle venue ? Vient-elle me donner les derniers sacrements ? Pourtant je ne me sens pas si mal, à part cette envie irrésistible de dormir et le désir suprême que l’on me fiche la paix… Mais elle se présente à moi et même me serre la main ; ma voisine ne pipe mot, trop contente qu’on ne s’adresse pas à elle…. Et pourquoi donc d’ailleurs ?
- Je suis l’Aumônière de l’hôpital et je passe bavarder avec les personnes seules ou qui ont besoin de se confier….comme me l'a dit l'assistante sociale....
Je la connais de vue, elle me dit quelque chose, mais quoi ? Sans doute déjà rencontrée dans M., depuis plus de quarante ans que nous sommes dans le coin, rien d’étonnant à cela… Ai-je besoin de sa visite… Je lui signifie que je viens d’être opérée le matin même et que j’ai besoin de me reposer mais rien n’y fait, elle s’incruste… Elle me reconnait, elle aussi, et me dit qu’elle y est déjà passée elle aussi et même m’énumère toutes les maladies qu’elle a eues, son veuvage, son engagement désormais pour les autres, et n’en finit pas de me débiter son baratin ! Je n’ose pas lui avouer qu’elle m’énerve et que je voudrai me reposer. Si elle ne le comprend pas d’elle-même, c’est qu’elle est vraiment bouchée. Pourtant rien n’y fait ! Je dois me résoudre à la supporter. Finalement elle m’a coupé le sommeil….
Ma voisine, quant à elle, continue de regarder son émission préférée à la télé sans se soucier du « drame » qui se passe à côté d’elle ! Ne pourrait-elle pas me prendre un peu en pitié et attirer vers elle la bonne parole de l’Aumônière ? Pensez-vous… Je suis seule à me débattre pour tenter de faire bonne figure à l’incruste qui va rester ainsi plus d’une heure à me parler de tout et de rien, sur son défunt mari, sur ses enfants, sur la vie, sur ses maladies, sur ci, sur ça, j’en passe et en voilà, prends tout et ne discute pas… Au bout du compte, je suis saoulée par ce moulin à paroles ! Eh bien si je m’attendais à cela…
Ne pourraient-ils pas, à l’accueil, filtrer les allées et venues de cette « visiteuse » et les lui faire réserver qu’aux seules personnes qui en ont véritablement besoin ? Pourquoi l’ont-elles laissée pénétrer dans cette chambre alors que je viens à peine de remonter du bloc ? Je me le demande bien ! Sans doute un cursus social quelconque pour éviter que l'on s'endorme sur un cauchemar au vu de la terreur qu'inspire le mot "cancer".
Enfin au bout de presque deux heures, elle nous quitte enfin et moi, hypocrite, qui la remercie de sa conversation et lui souhaite le bon soir… Enfin, vais-je enfin pouvoir sommeiller tranquille ? Oui une petite demi-heure puis Ch. revient, ignorant tout de mon après-midi d’enfer et m’apportant un bon petit yaourt pour me remonter le moral. Je n’ai pas encore mangé depuis mon retour du bloc et je commence à ressentir un peu la faim.
Puis c’est au tour du chirurgien de venir me « visiter » pour se rendre compte de son travail et de l’aspect de la cicatrice qu’il m’a obligeamment tracée au travers de mon sein droit. Il semble content de son travail et me demande si je veux rentrer chez moi dès ce soir… Il en a de bonnes lui ! Je ne me suis pas encore levée, je sens que je navigue entre deux eaux, j’ai mal au cœur et je ne me sens pas d’attaque à faire la cuisine ce soir à mon homme ; franchement ne peut-on point me donner un peu de sursis que je me sente enfin « malade »… ? Je lui réponds, comme si je n’avais pas entendu et je lui demande, quelque peu abrutie :
- Je sors quand docteur ?
- Demain mon petit, demain…
Voilà donc qui est résolu ! Ouf…, mais tout de même, je pense, en mon for intérieur que c’est bien tôt, à peine deux jours d’hospitalisation près de 3 heures de billard, un réveil plus que difficile, une fatigue énorme, vais-je être assez d’aplomb pour affronter la vie de tous les jours dès mon retour demain soir ? Je ne me pose plus la question mais je n’en pense pas moins.
J’annonce la « bonne » nouvelle à Ch. qui s’en réjouit… Ben tiens ! Pas de cuisine à faire demain soir, elle sera fidèle au poste… Eh oui, comme toujours. J’ai aussi une très bonne visite ce soir-là : mon fiston, cela fait rudement plaisir… Pas drôle pour lui de voir sa mouman dans ces conditions mais il fait assez drôle figure…serait-il prêt à tomber dans les pommes : « Eh reste avec nous, … ne va pas tomber dans les pommes à cause des odeurs d’hosto s’pas » ! C’est moi la malade après tout. Mais non, tout va bien, sans doute l’émotion de voir sa petite maman avec des tuyaux dans le nez et un goute à goute pour me redonner des forces.
La nuit se passe assez normalement. Cette fois, je peux dormir tout mon saoul mais je suis éveillée assez tôt par le service de nuit pour tout un tas de contrôle sur ma petite personne, oxygène que je n’ai pas quittée depuis ma remontée du bloc, pansement, piqûre, j’en passe et des meilleures et il va falloir attendre trois bonnes heures avant le petit déjeuner, mais on me retire le goute à goute, chouette plus de fil à la patte ! Ma voisine est également éveillée et souffre quelque peu de ses pieds, normal c’est là où elle fut opérée… Nous nous rendormons malgré le bruit incessant du couloir et flottons entre deux eaux tout en bavardant à bâtons rompus de tout et de rien. Finalement elle est bien sympathique cette petite Al. Elle aussi sort aujourd’hui vers 16 heures et moi après ma piqûre du soir vers 18 heures… L’infirmier de service est venu nous l’apprendre… Merci jeune homme !
La journée ne se passe pas si mal ; point de « visites » intempestives ce jour-là, à part Ch. qui vient quand il peut et qui reviendra me chercher cet après-midi comme prévu… C’est la vie d’un hôpital qui se déroule sous nos yeux avec ses bons et mauvais moments. Les lits sont devenus chers aujourd’hui et il faut les amortir avec un plus grand nombre de malades ; voilà donc le pourquoi de cette « mise à la porte » rapide de ceux qui, n’étant pas à l’article de la mort, peuvent regagner leurs pénates…
Mais bon, c’est bien aussi de regagner son chez-soi… La nourriture laisse quand même à désirer ici, même si je ne suis pas en grande forme, je fais bonne figure et quitte la chambre aseptisée deux heures environ après Alice qui, elle aussi, a regagné son F. habituel. Voilà c’est fini, mais est-ce que la vilaine bête a bien été extraite entièrement ? Mystère… De toutes façons je vais avoir droit à un traitement de choc mais lequel ? C’est encore dans le flou. Le chirurgien, là-dessus, est resté évasif… Chimiothérapie ou Radiothérapie, qui serait le moindre mal et le moins invasif ? Dieu seul le sait encore et je n’ai pas très bon moral à ce sujet, mais il faut faire face et surtout ne rien laisser paraitre. Inutile d’alerter tout mon entourage. J’ai hâte d’être dans une huitaine où le verdict sera délivré.
Je rentre donc au bercail et reprends mes occupations habituelles comme si de rien n’était, me réservant cependant, quelques plages de repos l’après-midi devant la télévision ou en faisant des mots croisés. Je me sens très fatiguée, rompue, malgré tout et je prépare activement notre déménagement, et oui nous quittons notre home et qui doit se faire fin mars… Nous ne sommes que début février et j’ai pris, moi aussi, un an de plus. Tellement de choses à faire, à penser, à détruire aussi de cette vie antérieure. Ch. ne cesse de faire des va-et-vient entre le sous-sol et l’étage, il range, trie, démonte, s’engueule tout seul, m’engueule aussi parfois, mais petit à petit les choses avances. Ch., une de nos amies, vient me rendre visite et se propose même pour m’aider à remplir mes cartons ! Mais bon elle a bien d’autres chats à fouetter et je ne veux point lui donner ce surcroit de travail elle qui garde déjà tous les jours ses trois petits monstres de petits-enfants turbulents à souhait ! Peu importe, nous passons un bon moment toutes les deux et rions de tout et de rien !
C’est beau la vie.